Archives pour la catégorie La fabrique d’écriture

un simple

Il est né par hasard, herbe folle de printemps. Glissant entre les cuisses de sa mère. Le bleu du ciel a imprimé ces yeux et noyé l’intérieur de sa tête. Son sourire ressemblait au rictus des chiens. De l’animal, il a appris la démarche agile. Élevé dans les champs de liberté, il se frottait au blond des blés. S’élançait parfois à l’attaque de l’invisible, des dieux ou de rien, il ne savait pas. Glanait dans les branches sa nourriture du jour. Ensuite il avait vécu de rapine, ripaillant à coup de grands rires contre la chair des femmes de circonstance. Sans ambitions particulières il fut sans projet. Il avait vécu comme ça vient, des choses de la vie offertes. D’air frais à plein poumon. De tapis de feuilles sombres croustillant sous ses pas. De soleils gris aux soirs d’automne. Puis les hivers avaient enfilé des perles de neige sur le collier des jours. Sans y penser. L’air de rien. Son visage s’était creusé de rides brunes dont il n’avait pas peur. Il regardait l’existence s’étirait comme des nuages dans le ciel du temps. Sans heurts, il était sans cris. Peu à peu son être s’est courbé vers la terre. Il est mort comme se couche les chiens. Avec docilité. Sans remous intérieur. Bienheureux.

Valérie R.

impressions toulousaines

J’avais oublié la chaleur qui poisse. Ici la peau s’habille de moiteur, d’humide salé. Le corps s’exténue dans le roulis sans sommeil. La nuit se retourne moite dans les cotonnades blanches. Et les rêves enfin se ponctuent de la stridence animale.

Des matins les nuages étonnent. D’autres s’effilochent dans le vent d’autan.

L’après-midi, la terre exsude son suc dans la fournaise. J’avais oublié les exhalaisons de lavande. Elles brulent la narine en retour de flamme-souvenir.

Les ombres se découpent dans l’or. Le paysage s’écrase sous la morsure du ciel. Et l’herbe cuit.

Les tours des Capitouls se hissent en sémaphore, guident le pas nonchalant dans les rues d’incendie. Les terrasses piétonnières sont envahies de limonade.

J’avais oublié la chaleur des voix toulousaines. De la rocaille chantante. Ça traine sur les voyelles. C’est rose avec les o comme les e. Ici on dispute en vocalises.

L’ail en pompons brode de mauve le chemin de mon vélo. L’avancée dans les clairs obscurs sous les branches comme des bras accueillants. Les platanes s’écorcent en peaux blanches, rudes et craquants tapis à fourmis rouges. Les péniches dans l’eau lourde du canal dorment en flottaison. Plus loin, au bout de la nappe verte, il y a Sète et la mer.

Je suis dans mon pays comme en promenade.

Valérie R.
juillet 2013